Primat
Tous ceux qui jadis maniaient des concepts ont plutôt tendance maintenant à conceptualiser leurs manies. Les artistes du Moi. Primat, lui, il a les mains dans le cambouis. La plume dans l’encre de Chine. Il décortique, il dissèque, il veut comprendre, il a besoin de savoir comment ça marche, l’humain et ce qui l’entoure.
Il est comme ces enfants qui démontent leurs jouets, et les remontent à l’en- vers avec soit le souvenir qu’ils en ont, soit l’idéal de ce qu’ils aimeraient qu’ils soient. Pas d’effets de manche, du travail. Il faut en effet beaucoup de travail pour réaliser ses dessins, ses mandalas aussi, pièces éphémères peut-être mais inestimables car gravées dans nos mémoires.
Primat, en bon quadrumane, touche-à-tout. Par curiosité, sans doute; par nécessité, sûrement. C’est qu’il est curieux, ce petit singe élevé à l’éclectisme, aux épices rares et au jus de crâne. Il trace ses textes à l’envers. Coquetterie ? Gimmick comportemental pour être repéré ? Peut-être un peu de tout ça, mais surtout une volonté de provoquer la réflexion, d’abord physique, puis mentale. Un miroir qui tend un autre miroir.
Seul le collectionneur est subtil, et intelligent forcément. Primat, lui, en bon sorcier urbain et chamane accoucheur de refoulé (le nôtre surtout), crée sans chichis des univers secrets et limpides à la fois. Il connaît bien ce qui fait l’époque, sa technologie, ses tendances, mais il cherche désespérément à com- prendre ce qui la rend aussi erratique et vomitoire. Il a senti qu’il restait bien peu de mystère dans ce monde où la spiritualité n’est plus qu’un viatique et une posture pour les dîners en ville. Alors, il invente des réponses, il croit en son instinct, il détourne ses faiblesses, les enlumine et nous les offre.
— Rose Leboule
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