L’exposition Dry Me A River de Jérémie Boyard explore un univers hybride où fluidité, lumière et objets issus de l’artisanat / processus industriels se croisent dans une atmosphère à la fois ludique et critique. En s’appropriant des gestes du quotidien, Jérémie pétrifie dans la résine ses sculptures. Ce procédé symbolise l’esthétique dominante de l’instantanéité et de la contemplation. La résine, fluide au départ puis solide dans son état final, devient le moyen de suspendre le temps, figer une mémoire collective, tout en capturant les récits symboliques.

La fluidité est au cœur de l’œuvre de Jérémie Boyard, qu’elle soit matérielle ou conceptuelle. Ses pièces, souvent uniques sont issues de la pratique du glanage, du collage tel des instantanés de nos modes de vie contemporains. Les surfaces iridescentes et holographiques jouent avec la lumière, et questionnent la notion de naturel, de réel. Ces variations chromatiques jouent sur notre perception donnant naissance à un jeu visuel qui suggère des récits changeants, où la réalité et la fiction se rencontrent dans un bras de fer conceptuel.

Avec Dry Me A River, Jérémie ne se contente pas de manipuler et d’assembler la matière, il déconstruit également des objets manufacturés et des symboles populaires. Les objets, souvent liés au big one world, sont transformés en artefacts uniques et figés. L’artiste s’interroge sur la relation au temps, à la productivité, ainsi qu’à la manière dont le culte de la performance et du corps sont sacralisés dans notre société. En figeant ces objets, Jérémie Boyard suggère également une réflexion sur la mort, l’obsolescence programmée et la mémoire, transformant des symboles modernes, parfois issus du sacré ou du pop art, en témoins silencieux d’une époque en quête de sens.

En manipulant des banalités, Jérémie nous invite à voir au-delà des formes familières du quotidien. En sélectionnant des objets manufacturés, qu’il s’agisse d’icônes du design ou issus du supermarché digital, il détourne leur champ d’application traditionnel pour nous révéler des possibles non-dits / non-vus.

Avec Dry Me A River, Jérémie Boyard nous plonge dans un univers où fluidité, lumière, et collage d’objets se fondent dans une critique visuelle complexe qui se farde d’apparences lisses voire séduisantes.  Son travail interroge notre rapport au temps, au capitalisme et à la possibilité du vide. Autant de tentatives esthétiques qui réinventent la manière dont nous percevons l’héritage de la révolution industrielle du siècle passé, révélant des zones de frictions entre désirs, sur-consommation et inégalités sociales.

Jérémie Boyard

Jérémie Boyard est né à Lyon en 1980, Il vit et travaille à Bruxelles depuis 2008. Diplômé en 2004 de l’école des Beaux-Arts de Lyon et en 2007 du Piet Zwart Institute à Rotterdam, Jérémie Boyard a poursuivi sa formation par le biais de résidences au Canada, en Écosse, dans les pays baltes et en France. A l’issue de ce parcours riche d’apprentissages techniques, il s’installe à Bruxelles où il développe une pratique transversale des arts plastiques. Co-fondateur de Rectangle, Artist Run Space et assistant au Pôle Photographie Contemporaine de l’Académie Royale des Beaux Arts de Bruxelles. Son travail négocie avec les savoirs vernaculaires pour leurs donner d’autres sens dans un contexte contemporain mouvant. De ce déplacement à la fois sensible et politique, il crée une redistribution des repères tout en signifiant une origine, la multipliant ou la densifiant. Pour autant il ne considère pas l’art comme exclusif mais comme un événement constitutif à une narration sociale.